27 mars 2016

Leye Adenle, "Lagos Lady" : une héroïne nigériane

Si le livre s'ouvre, après un prologue inquiétant, avec un homme blanc, le Londonien Guy Collins, c'est bel et bien une femme noire qui en est l'héroïne. Collins est - plus ou moins - journaliste, il vient de se faire plaquer par son amie Mel, originaire du Nigeria. Et il se débrouille pour obtenir une vague mission pour un vague reportage au Nigeria, histoire de nourrir sa mélancolie peut-être, de mieux comprendre celle qui l'a quitté sans doute. Il n'a aucune idée de ce qui l'attend à Lagos...
Revenons-en à ce prologue, qui plante parfaitement le décor : il y est question d'une jeune et jolie étudiante nigériane, Florentine. La belle n'a pas les moyens de poursuivre ses études, ni de satisfaire ses goûts de luxe. Pour pallier cette fâcheuse situation, elle sort avec un banquier marié, et se permet quelques escapades avec un chef traditionnel de Lagos, Chief Ojo. Et histoire de ne pas s'ennuyer, elle s'amourache d'un étudiant : jackpot, ou pas ? Plutôt pas... Ce qui n'était jusqu'alors qu'un gentil libertinage lucratif tourne à l'aigre, car l'étudiant va entraîner Florentine dans l'engrenage de la pègre et de la prostitution, jusqu'à un point qu'on n'imagine pas...
Tout au long du roman, il va être question du sort des femmes nigérianes, celles qui ne veulent pas se contenter du sort de leurs mères, celles qui veulent s'en sortir, et en meurent, souvent. Quand Guy Collins arrive à Lagos, il s'empresse de suivre le très mauvais conseil du concierge de son hôtel et se rend au Ronnie's, un club en vogue de la capitale. Il fait chaud, la chemise colle au corps, il fait soif aussi. Au Ronnie's, contrairement à ce que lui a affirmé le concierge, il est le seul blanc. Et sa présence agit comme un aimant auprès des belles de nuit qui bientôt, rivalisent de séduction pour le prendre dans leurs filets. Jusque-là, l'histoire, racontée à la première personne et sur un ton plutôt léger, ressemble un peu à un... OSS 117 ! Ça surprend, mais ça ne dure pas.
C'est là que notre héroïne, Amaka, fait son entrée. Tenue de business woman sur corps long et musclé, Amaka est au comptoir du Soul Lounge. Elle y épie un homme tout de blanc vêtu, assis sur un canapé, occupé à téléphoner et à manger des noix en attendant, impatient, son rendez-vous. Immanquablement, la belle Amaka se fait draguer par un Anglais, qu'elle envoie proprement sur les roses tout en se présentent comme prostituée, montrant ainsi qu'on ne la lui fait pas... Ce n'est que le début : Amaka est un sacré numéro, une "femme puissante".
Quant à Guy Collins, il est témoin, face au bar d'où il est sorti pour prendre l'air et fumer à une cigarette, d'un meurtre particulièrement répugnant : on vient de jeter à bas d'une voiture, dans le caniveau, le corps d'une jeune femme dont on a sauvagement coupé les seins... Ambiance.
La rencontre entre l'Anglais un peu benêt et la Nigériane combattante va se produire sous le signe du danger. L'un et l'autre vont se retrouver confrontés à la pègre nigériane, qui ne fait pas dans la dentelle, surtout quand il s'agit de trafics de femmes... Car telle est la mission que s'est assignée Amaka : aider les jeunes prostituées de Lagos, les suivre, voire les sauver du sort trop souvent fatal qui leur est réservé dans ce monde où un machisme maximum rivalise avec les superstitions ancestrales... et les trafics les plus juteux et les plus abominables.
Avec une narration rapide, rythmée, digne des films d'action des années 60, Lagos Lady habille avec savoir-faire une histoire très pessimiste, un constat effrayant de l'état des choses. Même si cette rapidité amène parfois Leye Adenle à des raccourcis narratifs sur des aspects qu'on aurait bien aimé voir un peu développés, surtout s'agissant du "fin mot de l'histoire", on lui pardonnera volontiers ce péché de jeunesse. Et on attend, du coup,  avec une certaine impatience son deuxième roman.



 

Leye Adenle, né au Niger en 1975, vit actuellement à Londres. Chef de projet, acteur occasionnel, il livre avec Lagos Lady son premier roman, après avoir publié plusieurs nouvelles.

Leye Adenle, Lagos Lady, traduit de l'anglais par David Fauquemberg, Métailié Noir

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